Et si la légende du roi Arthur avait trouvé un écho inattendu en Auvergne ? Au XVIe siècle, le couple formé par Anne de La Tour d’Auvergne et le duc d’Albany convoque l’imaginaire arthurien pour affirmer la noblesse de leur lignée. Généalogies mythifiées, vitraux symboliques et mise en scène du pouvoir dans le palais de Vic-le-Comte témoignent d’un subtil entrelacement entre politique, foi et légende.
Une généalogie aux accents légendaires
En 1518, le duc d’Albany, John Stuart, commande à l’humaniste Brémond Domat une généalogie de son épouse, Anne de La Tour d’Auvergne. Ce document exceptionnel, illustré de dix vues de châteaux auvergnats, ne se contente pas de retracer une ascendance noble : il remonte jusqu’à Ligier, présenté comme un neveu du roi Arthur. Cette affiliation imaginaire, dans la tradition des généalogies humanistes du XVIe siècle, vise à glorifier l’ancienneté et le prestige de la maison d’Auvergne.

Une prophétie astrologique pour asseoir le pouvoir
Au-delà de l’ancrage mythique, Domat introduit une dimension prophétique. À partir du thème astral de John Stuart, il prédit au duc une destinée hors du commun, sous le signe de Vénus : « puissance papalle » et « double couronne deux foys Roy ». Ces formulations, dans un langage inspiré des traités d’astrologie politique, visent à magnifier le rôle potentiel du prince dans les affaires du royaume. Il peut également refléter l’ambition d’Albany, régent d’Ecosse, qui a tenté d’envahir l’Angleterre.

Le mythe prolongé dans les verrières du palais
Cette mise en scène dynastique ne se limite pas au papier. Un manuscrit réalisé en 1582 pour Catherine de Médicis, nièce et héritière du couple, réunit plusieurs documents sur la maison de La Tour d’Auvergne. Il décrit notamment les verrières du palais des comtes à Vic-le-Comte, alors véritable vitrine du pouvoir princier. Ces vitraux, aujourd’hui disparus, s’inscrivaient dans un décor héraldique plus vaste, autrefois omniprésent au sein du palais.

La Sainte-Chapelle, témoin d’une ambition dynastique
Si le palais a été presque entièrement détruit, la Sainte-Chapelle construite au début du XVIe siècle par le couple Albany-La Tour est toujours visible. Elle abrite des verrières conservées, dont un Arbre de Jessé, symbole biblique de l’ascendance de Jésus, utilisé ici pour affirmer la noblesse sacrée du lignage. Le plan du site laisse penser que les verrières évoquées dans les manuscrits devaient se trouver dans une grande salle accolée à la chapelle, aujourd’hui disparue, mais identifiable grâce à une ancienne entrée visible sur les relevés.

Une mise en scène du pouvoir entre foi, politique et légende
À la croisée de la spiritualité chrétienne, du discours politique et de la culture humaniste, le projet du couple princier à Vic-le-Comte illustre une stratégie d’image ambitieuse. En convoquant la figure du roi Arthur, en enracinant leur pouvoir dans le mythe et la prophétie, Anne de La Tour et John Stuart affirment une vision du pouvoir qui dépasse les frontières du réel.