Les sources de Sainte-Marguerite : un héritage naturel et historique à redécouvrir

Ces eaux, jaillissant au pied des montagnes et des plateaux volcaniques de la Toscane d’Auvergne, racontent une histoire qui s’étend sur des milliers d’années, entre phénomènes géologiques, occupation humaine et exploitation curative. Depuis leur rôle dans la formation du paysage jusqu’à leur utilisation par les Romains, puis leur déclin progressif face aux aléas du temps, les sources de Sainte-Marguerite sont à la fois un témoignage du passé et un enjeu pour l’avenir.

Vue en coupe extraite du livre de Jean Bruyère sur le bassin des sources (1947)

La naissance géologique et les premiers habitants

Les origines des sources remontent à des milliers d’années, lorsque la Limagne et ses environs furent façonnés par l’érosion glaciaire entre 80 000 et 10 000 ans avant notre ère. Selon Henri Lecoq, les eaux des sources étaient autrefois plus abondantes et contribuaient à la formation de dépôts calcaires et ferrugineux caractéristiques. Léon Rechat, dans une thèse soutenue en 1904, souligne que des failles tectoniques apparues à la fin de la période paléolithique ont modifié le relief et concentré les sources dans les failles d’arkose visibles aujourd’hui.

Les environs de Sainte-Marguerite furent habités dès le Magdalénien moyen (16 400 à 13 800 av. J.-C.). Les fouilles archéologiques menées à proximité ont révélé des objets exceptionnels : statuettes, perles, et outils, témoignant de la richesse culturelle des premiers habitants. La région est ainsi un site majeur pour comprendre le peuplement préhistorique du Val d’Allier.

L’âge d’or thermal : des Romains au XIXe siècle

Les vertus des eaux minérales de Sainte-Marguerite étaient déjà reconnues à l’époque romaine. Léon Rechat évoque les ruines d’un ancien établissement thermal progressivement emporté par les crues de l’Allier. Les vestiges découverts, notamment des canalisations en terre cuite et des structures hypocaustes, confirment une activité thermale intense, peut-être liée à la ville romaine hypothétique d’AquisCalidis, mentionnée dans les itinéraires antiques.

Au Moyen-Âge, les sources demeurent célèbres, devenant un lieu de guérison prisé par la noblesse et les soldats. Toutefois, la fin de l’âge d’or intervient en 1589, lorsque les troupes huguenotes du comte de Randon ravagent la région, suivies par une crue dévastatrice de l’Allier.

Le renouveau commence au XVIIe siècle avec les écrits de médecins comme Jehan Landrey et Samuel Duclos, qui étudient les propriétés curatives des eaux. Au XVIIIe siècle, Jacques-François Chomel relaye ces observations, tandis que les habitants transportent ces eaux jusqu’à Paris et Lyon. Cependant, les infrastructures thermales restent rudimentaires : en 1845, un établissement tenu par un fermier est décrit comme « mal aéré » et doté de quelques baignoires séparées par des planches.

Peinture de la chapelle qui date des années 1960 et représente la libération de Ste-Marguerite

Le déclin et les efforts de sauvegarde modernes

Le XIXe siècle voit des améliorations, notamment grâce à M. Mandement, qui capte de nouvelles sources et modernise les installations en 1883. Les bains deviennent plus accessibles, et des hôtels sont construits pour accueillir les curistes. Malgré ces progrès, les crues de l’Allier, notamment celle de 1856, emportent plusieurs sources et mettent en péril les infrastructures.

Au XXe siècle, les sources perdent leur attrait face à des stations thermales mieux équipées comme celles de Vichy. L’exploitation commerciale de l’eau continue néanmoins : en 1929, la source « La Chapelle » est embouteillée pour les pharmacies. Par la suite, plusieurs crues majeures recouvrent le site, marquant le début du déclin de l’établissement thermal.

Depuis les années 1990, des initiatives de sauvegarde ont vu le jour. Le Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne s’est associé à des entreprises pour préserver les sources salées et sensibiliser le public. En 2018, une convention de mécénat a permis de collecter des fonds, mais ceux-ci restent insuffisants face à l’ampleur des travaux nécessaires.

Ancienne pompe dans un des nombreux bâtiments abandonnés…

Un patrimoine à préserver

Les sources de Sainte-Marguerite racontent une histoire fascinante où se mêlent géologie, archéologie et traditions médicales. Bien qu’elles soient aujourd’hui dans l’ombre des grandes stations thermales, elles continuent d’attirer l’attention des curieux et des passionnés. Leur préservation est essentielle pour honorer ce patrimoine unique et lui redonner la place qu’il mérite dans l’histoire thermale de l’Auvergne.